1998 popette

Alors don’ que je te raconte ça…

Décembre 1998. Mon premier job d’étudiante en cinoche, c’était aide-éducatrice préposée à la bibliothèque et la salle informatique. Décroché d’avance sur CV par le choix de l’option ingé son, et la présence dans cette école incroyable d’une radio d’école. En l’occurrence, j’ai tout fait sauf ça. Je suis arrivée toute jeune, toute illettrée, toute ignare, toute étrangère fraichement débarquée, et malgré ça, Monsieur le Dirlo m’a dit ainsi :

– Aide-éduc’, c’est tout nouveau, tout frais, nous, on n’a pas la moindre idée de ce que tu pourrais y faire, tout ce qu’on sait, c’est qu’on a prévu de te confier la mission d’offrir le plaisir de lire.

Le plaisir de lire ! Un Martine et les Asterix à mon actif, et v’là la mission ! On m’a fait confiance, on m’a soutenue, alors j’ai tout fait pour faire au mieux. Trois mois plus tard, j’avais une passion impossible à assouvir pour la littérature jeunesse, et j’étais convaincue que ce taf était fait pour moi. J’aurais adoré en faire mon métier, mais ce n’était possible que cinq ans.

J’en ai néanmoins profité pour organiser des Défis Lectures magiques, des tournages de petits métrages, des séances de bibole et de salle info qui m’ont éclatée tout du long. Alors j’ai pensé que je ferai instit’. Au bout de deux ans, où j’ai pu rencontrer des enfants en immenses difficultés et les voir accomplir leurs parts des miracles, découvrir les fonctionnements des inconscients dans une classe (vive Francis Imbert !), ainsi que les fonctionnements du système éducatif français, le dit système a statué sur mon originalité : sans doute est-ce parfait pour un poste d’aide-éducateur, mais ça ne casait pas du tout dans le moule de l’Education Nationale.

Je ne comprenais vraiment pas pourquoi, depuis que j’étais arrivée en France, je n’avais plus le droit d’être qui je suis, mais le devoir de me saisir d’un rôle et m’y tenir. J’avais 5/5 de moyenne générale sur les 8 ans d’élémentaire et de collège à Belgrade. Mais ici, ça ne valait rien. Je voulais être prof de langues là bas, anglais et français. Ici, on m’a dit qu’on me ferait passer des exam’s pour voir ce qu’on pouvait faire de moi. Et j’ai passé l’été de mes 16 ans à ingurgiter les mots comme triangle équilatéral, fonction publique, veuillez agréer, etc.  Seulement l’heure de l’exam’ arrivée, on m’a dit qu’il n’y avait pas eu suffisamment d’étrangers cette année là pour l’organiser, et que dans le doute, on allait me faire redoubler. En soi, c’était un affront. Mais ça a continué. Je n’avais plus droit de résoudre mes exos de maths comme je savais le faire. Je devais perdre tout un tas de temps à tout bien faire comme on me demandait et pas autrement. Dans mon pays, c’est pas des maths ça. C’est apprendre à se contorsionner dans un moule standardisé. Enfin, je n’avais pas le droit d’être prof de langues. J’étais trop bonne en sciences, et bien moins en orthographe dont je n’avais pas reçu l’enseignement et que je me débrouillais pour apprendre sur le tas.

Et puis donc, je n’ai pas eu le droit de rester à un poste où j’aurai pu tant apporter, jusqu’à en créer un métier et les formations qui vont avec. Et je n’ai pas eu le droit non plus d’être instit’, encore une fois, je ne casais vraiment dans aucun moule français.

Jusqu’en 2007, quoi que je tente, je n’ai jamais su faire comme on me demandait. Jusqu’à un fameux jour d’élections présidentielles qui m’avaient tant découragée, que j’en suis tombée sur le trottoir à pleurer mon désespoir. C’est alors que quelqu’un, dont je n’ai pas vu le visage derrière mon mur de larmes, m’a tendu une belle rose bien fraîche, bien rouge, et m’a dit :

– Faut pas t’en faire. La prochaine fois sera la bonne, tu verras.

Je l’ai cru, et j’ai décidé qu’au pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, si je n’arrivais à entrer dans aucun moule, si je ne parvenais pas à me faire une place parmi les existantes, rien ne pouvait m’empêcher d’en créer une, qui serait mienne, et qui resterait ouverte à ceux qui auraient envie d’en hériter ou de la multiplier.

C’est alors que concrètement, le 7. 7. 2007, tout commence, avec la création de l’Association des Artistes Passeurs…

Que je te raconterai bien vite dans un prochain article !

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